Le mystère des huîtres vertes

Au XVIIème siècle, la région de Marennes produisait déjà des huîtres plates, dont la couleur verte intriguait. D’ailleurs, la région était et est toujours la seule à en produire en France.

C’est notamment grâce à Louis XIV, grand consommateur d’huîtres, que l’histoire de celles-ci prend un tournant. Car à l’époque, personne n’était capable de d’expliquer pourquoi ces mollusques se teintaient de vert… Et c’est ainsi que sont apparues de folles suspicions : ces huîtres seraient empoisonnées et destinées à venger la région.

 

En effet, peu de temps avant l’Edit de Nantes (octobre 1685) qui priva les protestants de leurs libertés religieuses, les persécutions envers ceux qui persistaient à ne pas se soumettre battaient leur plein. La région de Marennes vit alors ses maisons et ses biens saccagés, et ses habitants humiliés, brutalisés.

C’est ainsi qu’Arnou, Intendant de la Marine du Roi à Rochefort, fit part de ses soupçons d’empoisonnement à travers une lettre. On lui donna par la suite pour tâche d’enquêter sur l’élevage de ces huîtres. Sa conclusion, nommée « Mémoire de ce qui se pratique pour rendre verte(s) les huîtres communes » fût la suivante :

« On fait dans les marais salant deux petits réservoirs élevés des quatre cotés en forme de chaussée avec de la terre grasse. Ces réservoirs doivent être au moins de 7 à 8 pieds. Les plus profonds sont les meilleurs. On met dans ces réservoirs des huîtres communes que l’on prend à la mer dans le temps des grandes malines en choisissant les plus belles et celles qui sont seules. Il faut qu’il y ait à ces réservoirs une ou plusieurs ouvertures pour laisser entrer et sortir la mer tous les 15 jours, parce que si l’eau restait toujours la même, elle se corromprait et les huîtres se gâteraient.

On peut les mettre en tout temps en ces réservoirs, mais le meilleur est de les mettre dans les mois de juin, juillet et août. Huit ou neuf mois après, elles commencent à être vertes mais le meilleur est de les y laisser une année entière devant que de les en tirer, et celles qui y sont deux ou trois années sont incomparablement meilleures, plus vertes et mieux nourries.

Tous les marais salants ne sont pas propres pour engraisser les huîtres. Il est nécessaire que le fond soit d’une terre grâce qui s’appelle le bri du côté de La Rochelle et les autres fonds ne valent rien. »

Et ces réservoirs auxquels il fait référence dans sa lettre, ce sont ce que nous appelons aujourd’hui... les claires !

Ce document authentique est une pièce importante dans l’histoire du développement de l’ostréiculture. Il montre que les sauniers de l’estuaire de la Seudre possédaient l’art de l’affinage des huîtres plates, bien avant que l’ostréiculture ne soit mise en place.